Groupe
crucial, pourtant oublié de la plupart des amateurs de musiques froides
et émouvantes, MINIMAL COMPACT doit sa singularité au métissage
a priori insensé entre des influences israelo-arabes et la coldwave du
débuts des années 80 (JOY DIVISION, THE CURE…). Aujourd’hui
l’écoute de leur discographie inspire les mêmes émotions
qu’hier, leur musique chargée et humaine remplit le cœur.
Le dernier album (« THE FIGURE ONE CUTS ») parfois décrié
résonne encore plus fort, le concert d’adieu enregistré
à l’Ubu (« LIVE ») témoigne définitivement
du caractère inoubliable (« maximal impact ») de
MINIMAL COMPACT.
1981-1983 :
Tel-Aviv-Bruxelles.
Fraîchement
débarqués d’Israël, trois des membres de MINIMAL COMPACT
s’installent en Belgique. Malka Spigel (basse et chant), Samy Birnbach
(chant et textes) et Berry Sakharof (guitares, claviers et chant) finalisent
une démo deux titres afin de trouver un label. La jeune structure CRAMMED
RECORDS signe le groupe qui excelle d’ores et déjà dans
un registre singulier entre cold/new-wave et moyen-orient. Le single initialement
prévu devient un mini-album (« MINIMAL COMPACT »)
qui bénéficie de l’aide de Dick Polak (membre fondateur
du mythique MECANO, joyau inégalé d’une cold-wave aux connotations
slaves). Ce disque éponyme rencontre immédiatement un écho
favorable dans la scène coldwave européenne dominante (marquée
par JOY DIVISION, THE CURE ou SECTION 25). La Belgique, véritable base
avancée de l’avant-garde musicale anglaise par le biais de labels
satellites comme FACTORY BENELUX (le futur LES DISQUES DU CREPUSCULE) devient
le vivier d’artistes « arty » aux exigences esthétiques
souvent plus proches de l’ « underground »
que du commerce. Outre les fleurons musicaux de l’époque que sont :
THE NAMES, MINNY POPS, ISOLATION WARD, MECANO, FLUE, POLYPHONIC SIZE, les pionniers
de l’E.B.M., SIGLO XX ou W.A.T., le Benelux va accueillir des artistes
exilés comme les américains TUXEDOMOON, les anglais LEGENDARY
PINK DOTS ou justement les israéliens MINIMAL COMPACT.
Les
cinq titres de ce premier essai discographiques offrent déjà une
large palette de l’univers intellectuel et musical du groupe. De la poésie
beat de Bob Kaufman sur Creation is perfect, à la parodie de gimmick
décérébré (Statik dancin’), l’humour
grinçant et l’esprit aiguisé dominent, manifestant la distance
entre MINMAL COMPACT et la plupart des formations new-wave à la démarche
plus rock’n’roll et aux attitudes pop exacerbées. La formation
israélienne choisit la non-attitude, la froideur apparente, un « minimal
compact pour un maximum impact ».
Lorsque
« ONE BY ONE » sort en 1982, non seulement toutes les
attentes sont comblées, mais le groupe transcende son univers par une
cohérence d’ensemble digne des plus grands chef-d’œuvre
de la musique cold. Les classiques sont légions : Invocation,
Cold life, Disguise ou encore Babylonian tower. Le batteur
néerlandais Max Franken rejoint les rejoint à cette époque,
donnant une nouvelle coloration à la section rythmique du groupe. La
basse en avant et le chant froid et distant engendrent l’adhésion
immédiate de nombre de corbeaux en quête de nouveaux horizons sonores.
Fin
1983, paraît l’un des disques les plus étranges du label
CRAMMED, qui va être à l’origine de toute une collection
d’enregistrements avant-gardistes et décalés, ce disque
sans titre est marqué du sceau « Made to measure vol.1 ».
Il comprend des titres enregistrés pour des ballets, pour des films,
une pièce de théâtre et un défilé de mode.
Les protagonistes du projet sont : MINIMAL COMPACT, Benjamin LEW, AKSAK
MABOUL et TUXEDOMOON ; la musique célèbre un univers post-futuriste
(à l’image de la pochette) qui donne lieu à des inédits
incandescents de la part des intervenants. MINIMAL COMPACT y joue quatre titres
qui restent encore aujourd’hui parmi les plus étranges et captivants
de l’ensemble de leur discographie. Une curiosité indispensable
qui initie un style hypnotique, où les mélopées vocales
s’enroulent dans la musique (le chant de Malka devient dès lors
un contrepoint indispensable à ceux de Samy et Berry.
1984-1986 :
Autumn leaves for angel’s breath.
Largement
reconnu dans la scène coldwave européenne, MINIMAL COMPACT va
franchir un pas de plus vers la consécration internationale avec le EP
« NEXT ONE IS REAL », véritable bombe new-wave
aux rythmes cold-funk claquants. Les radios américaines et les clubs
« underground » s’emparent de ce titre qui reste
l’un des plus joué, à l’instar de « IN
SHREDS » de THE CHAMELEONS ou « I MELT WITH YOU »
de MODERN ENGLISH. L’album de 1984, « DEADLY WEAPONS »,
dont est extrait ce single est beaucoup plus difficile artistiquement, produit
par Gilles Martin (déjà présent sur « Made to
measure vol.1 ») et Peter Principle (TUXEDOMOON), il oscille entre
efficacité et expérimentations . Moins cohérent, peut-être
plus daté par le mixage des rythmes, il restera néanmoins longtemps
l’un des préférés des français, ne serait-ce
que pour le titre éponyme Deadly weapons, implacable et combatif.
Le guitariste et ami israélien Rami Fortis rejoint le quatuor qui devient
ainsi le quintette majeur que nous connaissons tous.
En
1985, paraît « RAGING SOULS », l’apogée
stylistique du groupe, produit par le futur compagnon de Malka, le fameux chanteur
de WIRE, Colin Newman. Plus doux, jalonné de ballades romantiques, au
sens noble du terme, ce disque hautement mélancolique rompt avec le ton
cinglant des débuts, pour le plus grand plaisir des amateurs d’atmosphères
chatoyantes et précieuses à la 4AD. Cet album sera le plus grand
sucés tant critique que commercial du groupe. Les voix culminent, mêlées
au violoncelle, au mélodica ou aux cuivres. L’album contient l’incontournable
titre chanté par Malka, When I go, également entendu sur
la bande originale de « LES AILES DU DESIR » de Wim Wenders.
A
cette époque, le designer Russell Mills réalise une série
de pochettes qui n’a pas à pâlir de la comparaison avec Vaughan
Oliver, dont celle du EP « IMMIGRANTS SONGS » qui sort
en 1986. Outre la reprise explosive et inexorable du standard de LED ZEPPELIN
(Immigrant song), ce maxi est l’occasion de découvrir New
clear twist, un titre du futur album. Dans le même temps, MINIMAL
COMPACT réalise quelques titres pour « FUCK YOUR DREAMS THIS
IS HEAVEN », la bande originale d’un film de Wonder Products,
une reprise étonnante des YARDBIRDS (Still I’m sad), une
version renversante du Late night de Syd BARRETT et un duo ravageur avec
Niki MONO (Marathon). Cette dernière reprend un titre de Patti
Smith en duo avec Berry Sakharov (Dancing barefoot).
1987-1988 :
dispersion, dépression, dissolution.
L’année
1987, va être riche en événements pour le groupe qui renoue
magistralement avec l’expérimentation musicale pour un album intimiste
intitulé « LOWLANDS FLIGHT » enregistré
pour la série « Made to measure » (Vol.10) qui
contient la musique d’une performance intitulée « Two
by one » (quatre titres) et une session, « Frontline »
pour la célèbre radio néerlandaise VPRO. Libéré
de toutes contraintes, MINIMAL COMPACT prend plaisir à explorer un veine
moins accessible, retrouvant en cela l’ingénue créativité
des débuts.
Allant
de tournées en tournées à travers le monde, à l’exception
des Etats-Unis qui refusent de lui délivrer un visa, le groupe s’épuise.
Fort heureusement, le nouvel album « THE FIGURE ONE CUTS »
est produit par John Fryer (producteur attitré de nombreux groupes 4AD :
CLAN OF XYMOX, THE WOLFGANG PRESS…). Sa présence structurante
va permettre au groupe de construire un disque dont la richesse se dévoile
écoute après écoute ; près de quinze années
après sa parution, il reste inépuisable et entêtant. Du
tonitruant Nil-Nil (qui aurait mérité une sortie en single),
au stridulations épiques de Piece of green, cet album met un point
final à une carrière sans faute. Le goût est amer pour les
amateurs du groupe, les critiques n’en sont que plus acerbes, renvoyant
ce superbe disque au rang de « galette sans inspiration »,
« groupe à bout de souffle »… Le fiel est
vain, le disque est somptueux et le groupe n’en est pas moins définitivement
sur la brèche.
Une
tournée qui se révélera d’adieu, le groupe se sépare
en 1988, parcourt l’Europe, un enregistrement du concert de juin 1988
à l’Ubu de Rennes servira de cadeau posthume au public inconsolable.
Couvrant toute la carrière discographique, ce « LIVE »
est un témoignage de la densité et de l’intensité
des performances scéniques de MINIMAL COMPACT. Parfois rude et cinglante,
la musique du groupe garde toujours un parfum d’humanisme lucide, d’intelligence
racée.
La
perte d’un tel groupe sonne le glas de tout un pan de la coldwave ;
nombreuses sont les démissions et les compromissions dans cette scène
durant cette période 1987-1989. Depuis pas un groupe n’a repris
le flambeau d’une musique cold-arabisante raptante et mélancolique.
Le champ est libre mais le défi est hors de portée pour beaucoup.
1989-… :
post-minimal.
Dès
1989, Samy Birnbach sort un album en collaboration avec Benjamin Lew, cette
collection de poèmes mis en musique « WHEN GOD WAS FAMOUS »,
rend hommage au voile sombre de la voix de Samy. On retrouve des textes de Bob
Kaufman (remember « MINIMAL COMPACT »), W. B. Yeats, B.
Vian, T. Hardy, P. Celan, H. Hesse… A l’époque le disque,
pourtant exigeant et décalé trouve un public.
La
même année, Berry Sakharov et Rami Fortis fondent FOREIGN AFFAIR
pour pallier à la fin de MINIMAL COMPACT. L’album « EAST
ON FIRE » réussit pour un temps à combler les attentes
des amateurs du groupe défunt ; la musique sinueuse et dynamique
renoue avec certains aspects de « DEADLY WEAPONS ». Relativement
simpliste, elle ne parvient néanmoins pas à faire oublier le passé
illustre des membres. La présence de Anneli Marian Drecker (chanteuse
de BEL CANTO) vient illuminer trois titres d’un album qui reste le témoin
d’une époque de transition, à la fois agréable et
entraînant, mais sans magie véritable. Dès lors, nombreux
sont ceux qui espèrent un second album plus chargé en émotion,
hélas après un EP en 1990, le groupe ne donnera plus de nouvelles.
Les
années quatre-vingt dix ont été pauvres en nouvelles productions,
hormis Samy Birnbach et Malka Spigel, les autres musiciens ont rejoint Israël
où ils ont acquis une grande notoriété Max Franken est
toujours batteur et pratique le football). De son côté Samy Birnbach
n’a pas cessé de s’intéresser à la musique ;
son penchant pour la scène électronique l’a conduit à
créer les compilations « FREEZONE » (et bien d’autres
consacrées à des musiques entre drum & bass, breakbeat, jungle
et downtempo), il s’occupe de la subdivision électronique du label
CRAMMED (SSR) et mixe dans de nombreuses soirées européennes.
On le connaît désormais surtout sous le pseudonyme de DJ MORPHEUS
(on le retrouve également dans le projet THE GRUESOME TWOSOME), hélas
même si ses sélections manifestent un goût sûr, sa
voix veloutée et caverneuse nous manque terriblement et rend ces mixes
quelque peu sans âme. Ces activités ne l’ont pas empêché
au début des années quatre-vingt dix de finaliser un projet musical
sur lequel il chante. Intitulé ORACLE, ce projet a fait paraître
un disque novateur « TREE », dans lequel Samy retrouvait
Malka Spiegel et son vieil ami Colin Newman (WIRE). Malka Spigel quant à
elle a poursuivi une carrière sous son propre nom, marquée par
deux albums personnels et envoûtants, le premier « ROSH BALLATA »
est une réussite. Elle a également participé aux enregistrements
de son compagnon (Colin Newman).
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