La
majesté d’un disque comme « MEDUSA », diamant
noir accédant au sentiment d’idéal de par sa subtilité
et son romantisme arrogant ne pourra jamais être entachée par les
multiples revirements du groupe néerlandais. Sous ses plus piètres
oripeaux, XYMOX aura conservé une langueur précieuse, parant de
sentiments le plus insigne comme le plus fade de ses titres. Revenu depuis quelques
années à ses racines musicales sous son nom complet, CLAN OF XYMOX,
toujours emmené par Ronny Moorings est plus que jamais un acteur incontournable
de la scène goth-wave. L’entretien qui suit vous propose une plongée
dans l’histoire alambiquée du groupe.
Peux-tu
nous parler de l’histoire de CLAN OF XYMOX, membres… ? (Rappel
historique réalisé par Ronny Moorings lui-même.)
J’ai
commencé XYMOX à Amsterdam en enregistrant et en réalisant
« SUBSEQUENT PLEASURES » (1984) sur mon propre label.
Bien entendu je désirais tourner, alors j’ai demandé à
ma petite amie de l’époque, Anke, de jouer de la basse en concert
et de chanter sur un des titres de l’album. Peu de temps après
j’ai invité mon colocataire Pieter à nous rejoindre sur
scène pour jouer des claviers. En regardant le passé, j’ai
toujours de bons souvenirs de cette époque. A l’époque j’étudiais
et j’essayais de faire de la musique, mais la plupart du temps je ne maîtrisais
pas ce qui sortait de mes claviers. Les enregistrements étaient réalisés
sur un quatre-pistes portable. A une époque où pour enregistrer
vous deviez jouer tout en temps réel. L’ensemble de ces procédés
m’a beaucoup appris sur la manière de faire de la musique en général.
Aujourd’hui ces titres m’apparaissent très chaotiques. L’aspect
positif de « SUBSEQUENT PLEASURES » a été
qu’un jour, alors que nous promouvions l’album à Nijmegen,
j’ai pu rencontrer Brendan Perry et Lisa Gerrard de DEAD CAN DANCE dans
un restaurant. Ils prenaient un repas à la même table que moi et
m’ont annoncé qu’ils faisait la première partie de
COCTEAU TWINS. Après avoir parlé un moment, ils m’ont invité
à assister au concert et m’ont permis d’accéder aux
loges après le spectacle. C’est ainsi que j’ai pu rencontrer
les COCTEAU TWINS. Ce fut la première rencontre avec des artistes signés
sur 4AD. J’ai donné une copie de « SUBSEQUENT PLEASURES »
et nous sommes restés en contact. Quelques semaines plus tard, il m’a
demandé si XYMOX acceptait de tourner avec eux en Angleterre. Nous avons
évidemment été flattés et nous avons donné
notre accord. Rapidement Ivo Watts-Russell, le directeur de 4AD nous a offert
un contrat d’enregistrement. Le résultat a été l’album
« CLAN OF XYMOX » (1985) suivi plus tard par « MEDUSA »
(1986). Après « MEDUSA » et le maxi « A
MILLION THINGS » nous en avons eu assez de la façon dont notre
management (Raymond Coffer) s’occupait de nous. Il ne travaillait que
pour LOVE AND ROCKETS lorsque nous l’avons choisi et nous pensions à
cette époque que c’était bien d’avoir un manager avec
peu de groupes. Il s’est mis en tête de nous faire quitter 4AD pour
signer sur une major ; en effet, en 1988 nos disques n’étaient
disponibles aux Etats-Unis qu’en import, coûtant à nos fans
près de deux fois le prix d’albums édités sur place.
Raymond Coffer a réédité la même expérience
avec COCTEAU TWINS en les convaincant de quitter 4AD. Vous pouvez imaginer ce
qu’Ivo (4AD) pense de tout cela. En un an, notre management a recruté
une ribambelle de groupes comme CURVE, Ian Mc Culloch (ECHO & THE BUNNYMEN)
et les SUNDAYS. En fin de compte il semble que son travail principal a été
de prendre des groupes sur des labels indépendants pour les livrer à
des majors. Dès que nous avons été signés sur WING
(POLYGRAM), tous le monde s’est mis à nous connaître aux
Etats-Unis. En Europe le même phénomène s’est produit.
Nous avons eu de nombreux nouveaux fans qui n’avaient jamais entendu parler
de 4AD auparavant. L’album « TWIST OF SHADOWS »
s’est vendu à plus de 300 000 copies. Nous avons donné beaucoup
de concerts aux Etats-Unis ce qui a renforcé notre popularité.
A mesure que le groupe devenait plus important, je n’ai jamais supporté
le fait que nous ayons de plus en plus de pression destinées à
nous faire atteindre le top 40 des ventes. En fait, je n’ai jamais perçu
le groupe comme un support commercial, c’est pourquoi « PHOENIX »
a été notre dernier disque sur POLYGRAM. J’ai appris qu’il
ne fallait jamais signer avec une major, car ils ne font pas ça pour
la musique, mais une raison évidente et unique : fabriquer un produit
qui se vende à des millions d’exemplaires, voilà ce qui
éveille leur intérêt. C’est très impersonnel
et cela fonctionne comme une grosse multinationale. C’est effrayant de
penser qu’il n’y a que cinq majors qui dominent l’ensemble
de l’industrie musicale. C’est pourquoi les gens devraient soutenir
les labels et structures indépendants. Chaque disque réalisé
pour un label indépendant (ou acheté) est une avancée contre
les majors. Je dois souligner que nous nous occupons désormais de notre
propre management, un autre pas vers l’indépendance totale. Sur
les disques je n’ai jamais voulu mettre de crédits parce que je
pensais que la musique parle pour elle-même, le nom du groupe suffisait.
Mais j’ai découvert rapidement que les gens voulaient connaître
les noms et artistes cachés derrière le groupe. Comme la structure
de XYMOX est différente par rapport à la formation classique d’un
groupe répétant dans une cave, il est difficile d’expliquer
aux non-musiciens comment les choses fonctionnent pendant l’écriture
et l’enregistrement, et comment cela peut différer de ce qu’ils
voient en concert. Par exemple, je ne joue jamais de claviers en concert, je
m’en tiens à la guitare et au chant. Quand les gens assistent à
un concert, ils pensent que le groupe sur scène est le même que
celui qui enregistre et compose… Ainsi, lorsque quelqu’un quitte
le groupe, ils pensent de la même manière que le groupe arrête.
Un changement de personnes ne signifie pas qu’un groupe se sépare.
Il y a toujours un noyau central, appelons-le le cœur du groupe qui compose
les chansons. Regardez THE CURE, Robert Smith a vécu de nombreux changements
au sein de son groupe, mais cela n’a jamais été perçu
comme un split. C’est la même chose pour THE SISTERS OF MERCY, les
allées et venues de musiciens n’ont pas tué le groupe. La
raison en est que Robert Smith est THE CURE et Andrew Eldrich est THE SISTERS
OF MERCY, si eux veulent arrêter le groupe s’arrête. Le même
raisonnement est valable pour NINE INCH NAILS (Trent Reznor), DEPECHE MODE (Martin
Gore), DEAD CAN DANCE (Brendan et Lisa)…(CLAN OF) XYMOX existe depuis
très longtemps, nous avons eu de nombreux membres qui sont allés
et venus. Parfois des gens qui ne jouent qu’en concert avec nous sont
perçus comme des membres compositeurs, alors qu’ils ne sont là
que pour la tournée. Cela me fait songer à mettre davantage de
crédits sur nos pochettes. D’un point de vue personnel, je peux
vous donner un exemple ; Pieter (Nooten) a quitté le groupe avant
que nous signions sur 4AD et est revenu dès que nous avons eu le contrat.
Il est ensuite reparti pour poursuivre une carrière solo à l’époque
des sessions de « MEDUSA ». Alors qu’il écrivait
son album (ndlr : le somptueux « SLEEP WITH THE FISHES »),
je devais écrire « TWIST OF SHADOWS » sur lequel
Pieter n’a pas pu intervenir, à part sur quelques instrumentaux
utilisés en faces B. Sur « PHOENIX » il s’est
à nouveau impliqué, mais il a été de plus en plus
attiré par la scène House, ce qui l’a conduit à quitter
à nouveau le groupe afin de continuer dans ce genre sous le nom de FIRST
CONTACT. ANKE, quant à elle, contribuait à un morceau par album ;
mais sur « PHOENIX » sa participation s’est accrue
parallèlement à la volonté de POLYGRAM de pousser le groupe
dans une direction plus commerciale. Après l’expérience
POLYGRAM ; elle a décidé de tenter une carrière solo
dans l’esprit de ses compositions Imagination ou Smile like
heaven, une tendance que je ne souhaitais pas pour XYMOX (il faut aussi
noter que nous avions tous les deux de nouveaux amis, ce qui rendait la collaboration
de plus en plus difficile, d’autant plus qu’elle a déménagé
pour New York alors que j’habitais Londres). C’est pour cette raison
que je travaille avec des amis proches qui désirent la même chose
que moi et ont les mêmes goûts musicaux. A l’époque
de « PHOENIX », XYMOX vivait une crise d’identité.
Toutes sortes de personnes me disaient dans quelle direction le groupe devait
se diriger. J’habitais Londres, et je pense que la pire des choses concernant
Londres est que tout le monde veut y être le plus « branché »
possible. Vous ne pouvez pas faire autrement que de tomber dans ce piège.
C’est pourquoi il y a déjà sur « PHOENIX »
une forme d’orientation vers la scène dance qui explosait en Angleterre
au début des années quatre-vingt dix (même THE CURE a commis
un « MIXED UP » album à cette époque). « METAMORPHOSIS »
et « HEADCLOUDS » sont un prolongement de cette ambiance
générale. Sur « HEADCLOUDS » XYMOX essayait
de combiner les rythmes dance avec un son mélancolique et des vocaux
sombres. C’était une sorte d’expérimentation d’où
nous sommes définitivement sortis. Personnellement j’ai toujours
trouvé intéressant qu’un groupe essaie des choses différentes,
car c’est souvent facile de répéter le même son encore
et encore jusqu’à ce que les gens en soient dégoûtés.
Peu de personnes apprécient les groupes qui changent ou expérimentent
quelque chose de différent (voir DEPECHE MODE ou FRONT 242). Après
« HEADCLOUDS », je suis revenu à Amsterdam et j’ai
cessé de faire de la musique pendant une courte période ;
j’ai retrouvé la flamme en rencontrant des gens, en allant à
des soirées indus/gothiques et me suis retrouvé intérieurement.
Je me suis senti unifié à nouveau. Avec l’album « HIDDEN
FACES », CLAN OF XYMOX est revenu dans le droit chemin. Mon amie
Mojca joue de la basse en concert et chante une chanson (Hypocrite) sur
l’album. En 1997-1998, CLAN OF XYMOX a étrenné l’album
sur scène, en jouant également des titres mythiques de la période
4AD, les réactions et critiques ont été extatiques. La
tournée a permis au groupe de jouer aux Etats-Unis, en Amérique
latine, en Europe, avec des moments à part comme le festival GOTHIC-WAVE
de Leipzig ou celui de ZILLO où nous avons joué face à
25 000 spectateurs. Deux singles « OUT OF THE RAIN » et
« THIS WORLD » ont été réalisés
par TESS et sont entrés dans le top 10 du classement indépendant
en Allemagne et dans d’autres classements à travers le monde. En
mars/avril 1999 est paru le nouvel album « CREATURES »,
dans le même temps 4AD a réédité « MEDUSA »
avec des titres en plus pour le marché américain (ndlr :le
maxi « MILLION THINGS/BLINDHEARTS » de 1987) et prépare
une nouvelle édition augmentée du premier album « CLAN
OF XYMOX ». Une vaste tournée mondiale a suivi l’album
« CREATURES » en 1999 et 2000, débutée comme
tête d’affiche au prestigieux festival CONVERGENCE à la Nouvelle-Orléans.
« METAMORPHOSIS »
et « HEADCLOUDS » étaient proche d’une forme
de dance commerciale, comment te positionnes-tu par rapport à cette période ?
Ronny:
Comme j’ai pu l’expliquer précédemment j’expérimentais
sans me préoccuper de ce que les gens penseraient ; je ne pensais
pas aux implications de ce que je composais, c’est seulement plus tard,
après la sortie d’un album que tu reçois des réactions.
Pourquoi
avez-vous si souvent changé de nom (XYMOX, CLAN OF XYMOX, XYMOX…) ?
Ronny:
A chaque fois que nous avons changé le nom cela a été
le signe d’un changement pour nous. La première fois nous sommes
devenus CLAN OF XYMOX, groupe signé sur 4AD, nous avons enlevé
le « CLAN » lorsque nous avons signé sur POLYGRAM
aux Etats-Unis en 1989. En 1997, j’ai trouvé « HIDDEN
FACES » beaucoup plus proche de la période 4AD, nous continuons
pour l’album « CREATURES » avec CLAN OF XYMOX sur
des structures indépendantes (PANDAIMONIUM et METROPOLIS). « CLAN »
représente une petite unité qui partage un intérêt
commun ou des caractéristiques communes et XYMOX est un pseudonyme
que je m’étais donné au début des années quatre-vingts,
plus tard j’ai repris mon propre nom. J’aimais le mot XYMOX alors
nous l’avons gardé. XYMOX est une version abâtardie du mot
zymotique (ndlr : lié à la fermentation), d’où
CLAN OF XYMOX. Que cela soit clair CLAN OF XYMOX continue et la période
XYMOX (avec tous ses aspects confus) est terminée.
Peux-tu
nous parler des atmosphères et des textes de « CREATURES » ?
Ecris-tu toujours sur l’hypocrisie de l’univers de la musique, les
mensonges et une certaine forme de désespérance (comme sur « HIDDEN
FACES ») ?
Ronny:
L’atmosphère de « CREATURES » est plus sombre
que jamais, je pense que cela représente les aspects les plus sombres
de CLAN OF XYMOX, avec des sujets sur les gens, leurs façons d’être,
mais aussi sur Jasmine and Rose en rapport avec la capacité d’un
parfum à évoquer le souvenir d’une personne… En général,
j’ai une vision très nihiliste par rapport aux caractères
et attitudes des gens et je suis souvent très déçu par
eux tôt ou tard. La meilleure chose pour moi est de transcrire en mots
ces observations et de les intégrer dans la musique.
Que
penses-tu de la scène musicale « dark » ?
Ronny:
Si l’on prend par exemple le festival ZILLO à Hildesheim en
Allemagne, où nous avons joué devant 25000 personnes ou la Gothic
Treffen de Leipzig (10000 spectateurs) où chacun s’habille de manière
intéressante ou en noir, c’est excellent et cela montre à
quel point la scène peut-être importante. Dix ans plus tôt
nous n’aurions jamais pu jouer dans de tels festivals, alors que dans
la dernière période nous en avons fait plusieurs ; de plus
en plus de gens sont dans cette mouvance gothique-darkwave-industrielle et honnêtement
il y a-t-il d’autres choses intéressantes aujourd’hui ?
Je pense qu’il y a de nombreux nouveaux groupes passionnants comme FAITH
AND THE MUSE, MORTHEM VLADE ART, MALIGN, DIARY OF DREAMS, DAS ICH, LONDON AFTER
MIDNIGHT…
Il
y a-t-il une scène dark-électro-goth aux Pays-Bas?
Ronny:
Il y a quelques groupes, mais je ne pense pas qu’il y ait une véritable
scène, cohérente et organisée. Par contre, le nombre de
gens intéressés par cette mouvance est en progression mais pas
encore suffisamment.
Des
anciens membres ont formé BORN FOR BLISS, quel est ton opinion sur leur
musique ?
Ronny:
J’ai trouvé très étrange en écoutant l’album
de découvrir qu’ils semblaient vouloir donner le meilleur d’eux-mêmes
pour copier des aspects de CLAN OF XYMOX ; à mon avis ils n’y
sont pas parvenus. Les membres de BORN FOR BLISS n’ont jamais pris part
à la composition de la musique de (CLAN OF) XYMOX. Par le passé
ils ont été amenés à se joindre à XYMOX pour
les concerts, sans être pour autant impliqués dans l’écriture
de la musique. Je comprends que cela soit bénéfique pour eux ou
leur label de se présenter comme tels, afin que les gens jettent une
oreille à leur disque. D’après ce que je sais, ils ont été
remerciés par leur label l’année dernière. (CLAN
OF) XYMOX existe depuis longtemps maintenant, ce qui fait que nous avons connu
de nombreuses allées et venues au sein du groupe. C’est une chose
naturelle. Parfois, des personnes avec qui n’ont que joué en concert
avec nous sont perçus comme des compositeurs, alors qu’ils n’ont
été conviés que pour nous accompagner sur scène.
Nous utilisons des personnes supplémentaires sur scène comme nous
pouvons inviter des musiciens en studio (solistes ou programmeurs…).
Quelquefois je pense que par le passé nous aurions dû mettre plus
de crédits sur nos pochettes afin que nous ne soyons pas abusés
par des personnes qui n’en ont pas le droit.
0 commentaire