Entretien
aux confins de l’imaginaire avec Francesca Nicoli, la chanteuse du groupe,
écho sirénéen à la magie des atlantes.

 

Pouvez-vous
résumer l’histoire d’ATARAXIA (premières formations
musicales, création du groupe…) ?



Francesca :
L’histoire de notre groupe se scinde en deux périodes, deux âges
différents, deux attitudes psychologiques vis à vis de la vie
et de l’art : avant 1992 et après. Les années 80 nous
semblent très loin, à des années lumières, nous
n’aimons pas beaucoup parler de cette période qui fut très
douloureuse. Nous ne disposions d’aucun moyen, j’ai commencé
à chanter sans micro, c’était plus proche du cri que du
chant. Nous nous sentions très forts et déterminés dans
une Italie opulente et sourde, où la musique underground était
complètement étouffée de même que les musiques différentes.

Je
me souviens que nous étions nombreux, huit à la fin des années
80. Nous jouions beaucoup, nous avons donné de nombreux concerts dans
des situations difficiles voire incroyables. C’était une période
de peur et de peine, quelques uns sont morts ( suicide ou accident ), nous vivons
maintenant avec leurs blessures dans notre corps et notre esprit. C’est
si ancien que je ne sais pas s’il est bon d’en parler maintenant.

1988-1991
ont été des années mortifères. 1992 a été
l’année de la renaissance. A partir de 1994 ( l’année
de la sortie de notre premier cd, « SINPHONIA SINE NOMINE »
), le combat contre le destin a commencé, nous n’étions
plus des êtres modestes et illusionnés mais des combattants et
depuis, année après année, nous sommes devenus des vecteurs
de l’histoire et du temps, notre mère et notre père.. Nous
sommes devenus l’une de leurs voix et maintenant, tels des musiciens itinérants,
des guerriers évanescents et des penseurs diaphanes, nous marchons sur
la voie de la connaissance en quête des clés de l’existence,
chaque chose au bon moment, ni avant, ni après.

Nos
principales influences ont été les blessures et les découvertes
qui ont marqué nos vies.

Pourquoi
changez-vous si souvent de label ? (ENERGEIA, APOLLYON, AVANT-GARDE, CRUEL
MOON, PRIKOSNOVENIE, SYMBIOSE…) ?



Nous
n’avons jamais signé de contrat en tant que groupe, nous nous contentons
de signer chez un label pour chaque enregistrement. C’est notre façon
d’agir avec les labels, ce qui permet de maintenir une indépendance
intellectuelle et une liberté créatrice totale. Nous avons enregistré
plusieurs albums avec quatre ou cinq labels différents par le passé
et cela continue parce que chaque label convenait à un certain type d’album.
C’est un peu étrange à entendre mais nous avons toujours
exercé un total contrôle sur le groupe et en même temps conservé
de très bonnes relations avec les labels avec lesquels nous avons travaillé.

D’autres
formes artistiques semblent avoir une grande importance pour ATARAXIA, pouvez-vous
nous parler de vos influences principales et de vos centres d’intérêt ?



Nous
sommes impliqués dans de nombreuses activités et avons beaucoup
de centres d’intérêt : le cinéma (quelques uns
d’entre nous réalisent des courts métrages), la peinture
(notre acteur est lui-même peintre ainsi que ma sœur et d’autres
personnes qui nous aident dans notre travail).

Personnellement,
j’adore la littérature de plusieurs pays et cultures ainsi que
l’histoire qui est une grande source d’inspiration. Nous sommes
également intéressés par la philosophie de la Grèce
antique et la poésie. Nous aimons aussi les expérimentations photographiques
et je ne dois pas oublier le théâtre et le mime, comme on peut
le voir lors de nos concerts.

Quel
est votre cursus individuel ? Etes-vous des musiciens classiques, des étudiants,
… ?

 

Nous
avons grandi dans des villages médiévaux et nous perpétuons
la tradition orale de cette époque. Nous sommes des clercs errants et
des pèlerins qui veulent perpétuer le souvenir et la mémoire
de ces âmes impliquées dans des événements qui dépassent
l’individu. N’importe qui peut comprendre ce que signifie ressentir
profondément l’odeur et la surface d’une vieille pierre sur
sa peau, n’importe qui peut pénétrer dans ces lieux et percevoir
la présence de ceux qui y ont vécu, des réminiscences éparses
des anciens habitants ou pèlerins comme nous le sommes. En outre, nous
sommes des artisans, nous utilisons nos mains pour créer , pour apporter
des nuances et nous n’aimons pas restreindre la connaissance en la cantonnant
à une seule branche. Les anciens savoirs ont été adoptés
dans plusieurs domaines et sont tous reliés : musique, peinture,
science, mathématiques, philosophie, architecture et alchimie. Parfois
nous avons l’impression d’être des carrefours entre les cultures
orientales, méditerranéennes et celtiques, nous sommes comme un
pays de rencontres et de traductions, des citoyens du monde portant les signes
physiques et spirituels de cultures et d’expériences diverses.
Dans la vie quotidienne, Giovanni, notre synthé, est un musicien de formation
classique (il a joué de l’orgue dans une église) et maintenant
il travaille dans une maison de retraite. Il aide les personnes âgées
par des notions de psychologie et de neurologie . Vittorio, notre guitariste,
fabrique des meubles originaux en acier, quant à moi, je viens de terminer
des études universitaires en littérature, langues et histoire
médiévale. A partir de maintenant, je vais démarrer une
formation pour devenir organisatrice de concerts et de performances live.

Y
a-t-il une raison qui vous pousse à perpétuer ATARAXIA, un concept… ?



 

Un
enregistrement est comme un livre dont les chapitres se déroulent page
après page. Chaque disque-concept que nous enregistrons est le résultat
de notre vie inconsciente et physique qui ne peut pas être résumée
en un simple single.

A
l’intention de Francesca : votre technique vocale est très
singulière , comment réussissez-vous à changer de timbre
en quelques secondes (du grave (et puissant) au céleste (et clair)) ?



C’est
mon cadeau . Bien sûr l’entraînement est important mais
le professeur n’est autre que moi-même, un professeur très
sévère et exigeant : la passion et la perfection formelle
doivent être impliquées l’une dans l’autre.

Vous
avez collaboré avec CAMERATA MEDIOLANENSE et MONUMENTIUM, allez-vous
recommencer avec d’autres groupes dans l’avenir  ?



Non,
CAMERATA MEDIOLANENSE et MONUMENTUM sont des groupes particuliers dont je me
souviens avec plaisir mais maintenant je suis totalement impliquée dans
ATARAXIA.

Vous
sentez-vous proches d’autres groupes italiens ? De groupes étrangers ?



Le
meilleur enregistrement que j’ai entendu ces derniers temps est «
CHANTS D’EXTASE D’HILDEGARDE VON BINGEN »  par AIR
ENSEMBLE, nous aimons aussi MADREDEUS ( particulièrement « O ESPIRITO
DA PAZ »), VANGELIS (« 1492, CONQUETE DU PARADIS »
est un chef-d’œuvre) et VASSILLIS SALEAS qui est capable de capturer,
grâce à sa musique instrumentale magique, le charme de la mer Egée.
Nous aimons également un grand ensemble italien de notre ville qui joue
de la musique médiévale italienne typique, il s’agit de
la COMPAGNIA DELL’ ASINO CHE PORTA LA CROCE . Dans tous les cas, nous
nous sentons proches de quiconque désire ardemment créer afin
d ‘accomplir son destin.

Quand
« LOST ATLANTIS » sera-t-il disponible ? Pouvez-vous
en parler (thème, musique) ?



« LOST
ATLANTIS » sera disponible à l’automne 1999, actuellement
nous l’enregistrons et le mixons dans un détachement et une solitude
complets. A propos du concept : de nombreux écrits contemporains
et particulièrement anciens traitent de ce pays englouti par les mers.
Il a été écrit à travers l’histoire personnelle
de chacun de nous, c’est une tragédie collective oubliée,
la tragédie de l’être humain, de la nature de l ‘existence.
Cela fait plusieurs années que nous collectons des éléments
à travers des voyages dans des pays du sud-est (Grèce, Lycie,
Turquie), que nous lisons des documents et des écrits anciens. « LOST
ATLANTIS »  embrassera le mythe ancestral de la disparition
d’une culture qui était hautement développée d’un
point de vue technologique d’une part, et qui s’adonnait à
la magie et aux rituels d’autre part.

Nous
avons décidé de mêler légendes, costumes anciens,
plusieurs courants philosophiques et traditions afin de les transformer en une
épopée musicale. Cela sera un opéra païen dans un
style sacré très marqué. Paradoxalement, même si
cela nous fait remonter loin dans le temps (entre 10000 et 45000 ans), ce disque
sera à la fois notre enregistrement le plus actuel, le plus nostalgique
et le plus expérimental. 

« Du
chaos est née l’harmonie et à nouveau ce fut le chaos ».

Les
textes seront tous en anglais et en grec ancien (les deux langues symboliques
du futur et du passé) et l’atmosphère sera nostalgique,
marquée par une perte ancestrale et un sens de l’élévation.
Nous essaierons de capturer les sonorités de la mer Méditerranée
et de l’océan, une harmonie de formes, un temps suspendu, un profond
respect pour les choses figées. Cela s’achèvera par une
musique cosmique dans un espace vide et triste où règne un détachement
infini envers l’humanité, des mots d’abandon pour une époque
inexplicable.

Avez-vous
d’autres projets ?



Bien
sûr, depuis novembre 1998, « OS CAVALEIROS DO TEMPLO »
Live in Portugal est disponible et constitue notre première vidéo
live complète ( présentée dans un coffret avec le cd live
et des textes). La première partie a été enregistrée
dans une ambiance médiévale particulière et c’est
une sorte de court film symbolique. La seconde partie est un concert que nous
avons donné à Lisbonne en janvier 1998, concert dédié
aux joyaux architecturaux que les Templiers portugais ont construits dans leur
pays ; c’est une sorte de voyage physique et spirituel à la
découverte des symphonies de pierre où les chevaliers enfermaient
les mystères anciens de l’équilibre et de la sagesse .
Le voyage continue…

Jouerez-vous
en France en 1999 ?



Je
l‘espère, il y a quelques possibilités pour la fin du printemps
ou de l’été, je vous tiendrai informés. A partir
de la fin mai, nous tournerons en Allemagne et dans d’autres pays européens,
nous participerons à la Gothic Treffen de Leipzig et nous serons probablement
en Espagne au mois de juillet.

Traduction
par Céline Olivier

N.B. :
Francesca Nicoli apparaît également sur le premier album de CAMERATA
MEDIOLANENSE « MUSICA RESERVATA », sur l’album de
MONUMENTUM « IN ABSENTIA CHRISTI », sur l’album de VITTORIO
VANDELLI « A DAY OF WARM RAIN IN HEAVEN »…


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