Le
réveil de la Gorgone…
Groupe
produisant une musique inspirée par le paganisme, ORCHIS est l’une
des formations du label WORLD SERPENT (le repaire de presque tous les groupes
dark-apocalyptic-indus : CURRENT 93, DEATH IN JUNE, SOL INVICTUS…) les
plus intéressantes de ces dernières années. Nous avons
réussi à nous entretenir avec ces anglais passionnés par
la Nature et la mythologie à l’occasion de la sortie imminente
de leur nouvel album « MANDRAGORA ». Nous les avions déjà
présentés dans une Fine Lame de TRINITY n°1 ( à l’époque
le groupe envisageait de publier un disque en collaboration avec Martyn Bates
-exEYELESS IN GAZA- qui n’a hélas pas encore vu le jour).
Acceptez-vous
les termes « apocalyptic-folk » ou « pagan
music » pour décrire la musique d’ORCHIS ? Vous
sentez-vous proche de cette scène musicale ?
Une
étiquette est toujours nécessaire pour donner une idée
du contenu musical à un public non-averti, et « apocalyptic-folk »
ou « pagan music » sont aussi bons que d’autres
pour décrire ORCHIS : nous utilisons volontiers des éléments
de la musique folk et une imagerie païenne-occulte dans nos chansons. En
ce qui concerne cette « scène » musicale, qui semble
recouvrir un très grand nombre de groupes, nous sommes heureux d’être
associés à ceux que nous aimons, mais pas à l’ensemble
de cette mouvance.
Votre
troisième album s’intitulera « MANDRAGORA »,
vous avez également écrit une chanson qui s’appelle Megaera,
que représente pour vous le mythe de la Gorgone ? Connaissez-vous
le film de la Hammer « THE GORGON », un film slictueux
avec le superbe Christopher Lee dans le rôle d’un professeur… ?
Le
mythe de la Gorgone n’a pas une connotation particulière pour ORCHIS ;
nous sommes conscients de sa base historique suivant le sens défini par
Robert Graves et croyons que cela comporte également des implications
sexuelles – id est : cela démontre le pouvoir que la sexualité
d’une femme peut avoir sur un homme, comme nombre de créatures
féminines de la mythologie classique (ex : Athéna utilisait
le sang de Méduse pour engendrer la mort et la guerre, et son bouclier
arborant la tête de Méduse a fait fuir plus d’un homme courageux).
Les titres « MANDRAGORA » et Megaera
ont certainement dans ce sens, un rapport avec la Gorgone. En effet, Mandragora
représente les deux sexes (comme Vénus) et la mort (comme la mandragore,
ndlr : plante née de la semence des pendus), Megaera est, quant
à elle, l’une des Furies vengeresses, mais les titres ne furent
pas choisis en pensant au mythe de la Gorgone.
Alan
apprécie le film « THE GORGON », et nous aimons
tous le mot « slictueux » pour le décrire !
Quels
types d’atmosphères et de thèmes sont développés
sur « MANDRAGORA » ?
Nous
espérons que l’atmosphère de « MANDRAGORA »
est plus froide que celle de « A THOUSAND WINTERS ». Initialement
nous avons tenté de capturer l’impression de calme et de fraîcheur
qui précède l’aube, le moment contemplatif lorsque le monde
environnant est encore endormi. Quelquefois, nous avons réussi mais les
chansons sont devenues progressivement plus turbulentes au fur et à mesure
que nous ajoutions des instrumentations et surtout des rythmes, ainsi il ne
subsiste pas beaucoup de moments calmes sur l’album.
Les
thèmes s’articulent autour de la mort et la renaissance, la transmutation
à travers l’alchimie de l’être vivant autant que celle
de son âme ; nous explorons les voies et les moyens pour déjouer
la mort et trouver l’immortalité, de la magie à l’amour
en passant par la pensée « désirante »,
mais nous ne proposons aucune conclusion.
Comment
pouvez-vous décrire votre évolution depuis votre premier album ?
Nous
décririons notre évolution plutôt en termes d‘équipement.
Le premier album et la majeure partie du second ont été enregistrés
sur un magnétophone quatre-pistes, ce qui a limité la qualité
et restreint le nombre d’instruments que nous pouvions utiliser. Nous
avons désormais un huit-pistes, de meilleurs micros, un meilleur équipement
pour traiter le son, mais surtout sept années d’expérience
et fort heureusement nous jouons mieux !
Nous
sommes également plus conscients de ce que nous faisons, lorsque nous
écrivons un album nous essayons d’avoir une vision d’ensemble
plus qu’une approche par titres isolés. En ce moment, nous nous
concentrons davantage sur les compositions d’ORCHIS que sur des chansons
traditionnelles ; le « folk » a été
un très bon tremplin à nos débuts mais nous semble aujourd’hui
trop limité, et nous commençons à manquer de bonnes chansons
folk méconnues !
Votre
musique est très évocatrice, nourrie de sensations en rapport
avec la terre, la forêt, les pierres…, comment pouvez-vous expliquer
cet intérêt pour la Nature ?
L’Humanité
et la Nature entretiennent une relation très étroite : le
monde naturel – le climat, la géographie physique – le genre humain comme
espèce et ses différentes cultures ; nous sommes toujours
à la merci de notre environnement. Dans nos textes nous utilisons la
Nature symboliquement pour son aspect universel, la plupart des gens peuvent
se reconnaître et se sentir liés à son image. Je ne pense
pas nécessairement que nous soyons des animistes, mais une forêt
silencieuse a au moins la même qualité onirique et mythique qu’une
cathédrale de pierre, la même faculté à manifester
une présence vivante ; et les pierres levées sont d’une
certaine manière sanctifiées par les rituels et le Temps – le
lien entre ce qui a été et ce qui va être semble affleurer
de manière extraordinaire à la surface. Cela paraît impossible
à transcrire par les mots, à l’exception d’une allusion
symbolique – nous n’essayons pas consciemment d’être obscurs
juste pour le plaisir d’être obscur, mais pour extraire d’un
sens plusieurs niveaux cachés à l’intérieur du sens
apparent, afin que nous puissions atteindre une sorte d’universalité
– par exemple, dans « HE WALKS IN WINTER » nous nous sommes
concentrés sur la tempête à cause de ses propriétés
dramatiques évidentes et son effet sur l’esprit humain – cela provoque
la peur, l’émerveillement, mais rarement de l’indifférence.
Au
début des années quatre-vingts, DEAD CAN DANCE est arrivé
des terres australes avec une musique pleine d’instruments rares et anciens ;
pensez-vous qu’ils ont été des pionniers du genre ?
Pensez-vous qu’ils ont ouvert les portes d’une nouvelle conception
musicale dans le domaine de la musique indépendante ?
DEAD
CAN DANCE a inspiré de nombreux groupes, mais ils n’étaient
pas le premier groupe moderne à utiliser des instruments médiévaux,
simplement celui qui a eu le plus de succès. Le groupe des années
soixante DULCIMER, parmi d’autres, utilisait de tels instruments – ce
qui ne veut pas dire que nous vous recommandons leur écoute… (ndlr :
heureusement !)- Tracy a été initiée à l’univers
de la musique médiévale par Sean Bowley du groupe EDEN (ndlr :
le chanteur) qui utilisait alors beaucoup d’instruments médiévaux.
Connaissez-vous
quelques musiciens français ?
Oui,
LES JOYAUX DE LA PRINCESSE, REGARD EXTREME, DISSONANT ELEPHANT & LONSAI
MAÏKOV sont des noms qui viennent à mon esprit en regard de la « scène »,
mais nous aimons également des choses comme la musique d’Alan STIVELL…
quoiqu’il en soit nous n’avons pas l’habitude d’entendre
beaucoup d’artistes français en Angleterre.
Dans
TRINITY n°1, je citais IN GOWAN RING afin de donner une idée de votre
musique, vous sentez-vous proches d’eux ?
Nous
aimons IN GOWAN RING et nous nous rendons compte que nous pouvons partager un
son d’ensemble, mais nous ne nous en sentons pas particulièrement
proches musicalement. Nous utilisons tous les deux beaucoup d’instruments
acoustiques et nos deux premiers albums respectifs étaient relativement
doux par leurs sonorités mais je pense que nous tendons vers des directions
différentes.
Albin
Julius (THE MOON LAY HIDDEN BENEATH A CLOUD/DER BLUTHARSCH) m’a dit que
Trevor avait joué avec eux, comment en êtes-vous arrivé
à collaborer ?
Albin
aimait le son du luth d’Alan, alors ce dernier l’a emporté
à Vienne lorsqu’il est allé en vacances pour enregistrer
un court morceau. Alors qu’Alan était au festival de Nevers, il
a pris sa guitare et a joué avec eux…
Après
la réalisation du troisième album, quels sont vos projets ?
Concerts… ?
Nous
aimerions donner des concerts dans un futur proche, nous n’avons pas encore
commencé à réfléchir à de nouveaux projets.
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