Groupe : Les Joyaux De La Princesse
Album : Die Weisse Rose
Date : 1999-08-01
Label : World Serpent
Distributeur :
Format : CD/Boxset ltd
Durée :
-Contre la tyrannie et la barbarie institutionnalisées par le troisième
Reich, quelques étudiants munichois – une poignée au regard des
masses enrégimentées – s’insurgèrent au péril de
leur vie. Fermement résolus à juguler la lèpre idéologique
proliférant de toutes parts dans une Allemagne qu’ils désavouaient,
Hans Sholl aidé de sa soeur cadette Sophie, menèrent vaillamment
une campagne de contre-propagande, visant à déstabiliser le régime
par la publication offensive de tracts libertaires. La « Rose Blanche »
était née et sous son impulsion, quelques actions retentissantes
furent accomplies de 1942 à 1943. Mais l’héroïsme et
la bravoure, tel que l’histoire nous l’enseigne chaque jour ne furent
point payés en retour et dénoncés on les exécuta…
Louable et saine entreprise que de dédier sous la forme d’un manifeste
musical aux allures de requiem, un hommage posthume à ce groupuscule
d’activistes tardivement érigés en martyres et pour lesquels la
nécessité de l’engagement revêtait un voeu pieux (à
une inexactitude près : la « Rose Blanche »,
à l’inverse de ce que laisse naïvement présumer cette galerie
de femmes occupant le livret, incluait principalement des hommes…). Gageure
que de se croire capable de donner toute sa mesure a l’horreur, sans l’avoir
soi-même essuyée, serait-on en droit d’objecter. Or : bien plus
qu’allusive, la reconstitution du climat délétère
de la seconde guerre mondiale s’appuie sur une éloquente accumulation
d’archives sonores, faisant office de toile de fond perpétuellement amovible.
Judicieusement insérées, ces franges de l’histoire alliant rumeurs
de bombardement, détonations et clameurs affolées, dépeignent
l’effrayante instabilité d’un monde approchant son néant. A la
manière d’un contre-chant informel, le noir inventaire infiltre la charpente
musicale, dont il contribue à rehausser la relative simplicité
mélodique. Implacable et fatidique chute que ces bribes d’allocution
assassine d’un bien triste sire, intervenant en fin de morceau et scandant hargneusement
« …nur zu denken an Deutschland! » dans un fracas sonore
assourdissant. Reconnaissable entre toutes, la voix porteuse du fardeau de l’ignominie
remonte des enfers où elle agonise, pour frapper une fois encore de sa
sinistre résonance – « Weisse Rose » -. Douloureusement
éperonné, l’auditeur arraché à l’aigre
rêverie qui achevait d’engourdir son esprit, vacille, en proie au
malaise. Par ce stratagème on ne peut plus percutant, le compositeur
semble suggérer avec quelle imparable fatalité, l’avilissement
des consciences gagnées par l’endoctrinement national-socialiste, eut
raison de toutes les candeurs enfantines. Ainsi ne sommes-nous pas tentés
de subodorer de la part des JOYAUX DE LA PRINCESSE, quelques fâcheuses
collusions auxquelles d’autres ne manquèrent de céder (quoique
la prudence reste de mise, face à une aussi dévorante fascination
pour cette époque trouble…). Percluses, tordues de douleur, les notes
peinent à éclore comme si en ce monde funeste, la musique n’avait
plus droit de cité. Ensevelie sous cette vertigineuse noirceur, la promesse
d’un monde meilleur se trouve ravalée par la nuit… Comme autant de
leitmotivs musicaux décrivant de grands cercles hypnotiques, les compositions
louvoient languissamment en brumes opaques. Pianos et grandes orgues en régissent
la filandreuse trame, qu’aucune esbroufe pseudo-orchestrale ne vient toutefois
altérer. A maintes occasions, les riches heures des jumeaux de Sheffield
se décalquent au gré d’imposantes percussions, devenues depuis
lors marque de fabrique de REGARD EXTREME. Mais, comme vidées de leur
épique et démonstrative impétuosité, les compositions
ne retiennent de ces dernières que l’aspect froidement martial, interdisant
toute volupté. Un tonnerre de roulements où chaque coup de tambour
lourdement asséné, revêt comme une sentence implicite; charriant
ces visions confuses où la folie meurtrière fait brandir les étendards
et f1amber les autodafés -« Der Reissend Minabschäumt »-…
Cohérent dans le choix de ses intervenants, le duo s’adjoint la
seule voix susceptible de succéder décemment à la prestation
de Freya Aswynn sur le 45T. « WOLF RUNE ». Intriguante
sphinge, Alzbeth exilée de son reposoir lunaire, erre impavide en des
couloirs sonores striés d’ombres -« Tiefe Schnsucht (zu neuen
Ufern) »-. Le temps de trois morceaux indiciblement beaux, elle s’essaye
dans la langue de Goethe à un tout autre registre vocal, aux antipodes
des incantations orageuses estampillées THE MOON LAY HIDDEN BENEATH A
CLOUD. Guère plus sardonique que ne l’était Gitane Démone
entonnant la ballade autrichienne de Lament-over the shadows, Alzbeth
tempère le fiel transsudant généralement des froides inflexions
de sa voix. Répandu au creux d’une telle parure le venin se décanterait-il
? A moins que les mots eux-mêmes porteurs de l’hécatombe, n’induisent
plus de retenue… Plus qu’un simple épilogue, le morceau final « Sag’
mir « Adieu » » fait figure d’épitaphe
gravée au fer rouge dans les mémoires par trop oublieuses. D’une
rare portée émotionnelle, ce lied somnambule émergeant
du brouillard, aurait pu avoir l’insigne honneur d’accompagner les brûlots
cinématographiques d’un Fassbinder ou d’un Visconti. Mausolée
sonore dont les veinures marbrées sont autant de stigmates attestant
des fractures d’une époque… (en revanche ô combien superflue,
l’édition limitée au surplus dispendieuse, ne comprend en supplément
qu’un rébarbatif 45T., fruit de collages fastidieux tranchant malencontreusement
avec la minutie et le lyrisme des compositions du CD. D’autant plus obsolète
qu’il se rapproche en tous points des stériles expérimentations
bruitistes de NOCTURNE, projet parallèle des JOYAUX DE LA PRINCESSE…
).
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