Après
une nuit de repos bien méritée, Oswald Henke, le chanteur de GOETHES
ERBEN s’est longuement prêté au jeu de l’interview.
Revenant sur le concert donné la veille à La Locomotive (en compagnie
des incompris CLAIR OBSCUR) et révélant ses aspirations artistiques
profondes ; le groupe allemand nous plonge dans un univers sans compromissions
où la création soumet tout à son empire.

 

Nous
avons été étonnés que vous soyez venus vers le public,
que vous nous ayez parlé simplement et que vous n’ayez pas la grosse
tête comme beaucoup d’autres groupes…

Oswald
Henke : Vraiment ? Il y a des groupes qui font ça ? E
h bien alors c’est dommage pour eux, ils ne feront jamais la connaissance
de gentilles demoiselles (ndlr : il fait référence à
une jeune fille qu’il a hissé sur scène…) Je trouve le
contact avec le public très important, par exemple de savoir ce qui a
plu aux gens ou ce qui leur a déplu. Quand on a parlé à
la personne qui est sur scène on est encore plus pris par le concert.

Oui,
c’est vrai… C’était également bizarre de voir que
tu étais tout à fait un autre personnage sur scène ;
nous t’avons rencontré avant le concert et tu étais tout
à fait normal, et ensuite sur scène c’était complètement
différent.

Oswald :
Oui, GOETHES ERBEN fait du théâtre musical et sur scène
je joue un rôle.

N’as
tu aucun problème pour passer d’un personnage à l’autre ?

Oswald :
Non, pas encore, pour l’instant ça ne me pose pas de problème
car j’arrive à dissocier la scène de la réalité.

As-tu
une formation en tant qu’acteur ?

Oswald :
Non, pas du tout.

Comment
était-ce la première fois que vous êtes montés sur
scène ?

Oswald :
A l’époque, c’était aves Peter Seipt et moi ;
c’était très intéressant, on s’est bien amusés
et on s’en est relativement bien tirés.

C’était
en 1989 ?

Oswald :
En 1989 ou 1990, je ne sais plus…

Avez-vous
été membres d’autres groupes avant GOETHES ERBEN?

Oswald :Pas
avant GOETHES ERBEN, mais maintenant paralèllement il y a d’autres
projets, je travaille avec ERBLAST et ARTWORK (ndlr : Mindy Kumbalek quant
à elle s’est manifestée avec STILL SILENT, chronique dans
TRINITY n°1).

Ce
qui était également bizarre hier, c’est que CLAIR OBSCUR
ont joué avant vous et que les gens ne les ont pas trouvé très
bons, et pour vous ça a été complètement différent ;
je trouve cela étrange, mais positif, que les gens aiment un groupe de
langue allemande en France.

Oswald :
Oui, normalement c’est l’inverse.

C’est
dommage pour CLAIR OBSCUR…

Oswald :
Oui, pourtant ils sont connus en France.

Oui,
mais hier ils n’ont joué que des nouveaux morceaux, dans un style
complètement différent de ce qu’ils faisaient avant et ils
n’ont joué aucun de leurs vieux morceaux bien que les gens le voulaient.

Oswald :
C’est sûrement pour ça qu’hier ils ont perdu leurs
2 dates de concert en Belgique, ils devaient y jouer avant nous (…).

Ne
pensez-vous pas que le fait de chanter en allemand pourrait représenter
un obstacle pour vous ?

Oswald :
Je ne le pense pas, on l’a vu hier…

Avez-vous
l’intention de jouer dans des pays anglophones ?

Oswald :
Oui, peut-être, nous voulons aller aux Etats-Unis, mais il faut attendre.
Pour la première fois, les textes de « SCHACH IST NICHT DAS
LEBEN » ont été traduits en anglais.

Vous
avez également déjà joué en Hollande.

Oswald :
Oui, deux…trois fois.

Il
y a-t-il une grande différence de réaction dans le public suivant
les pays ?

Oswald :
Etrangement, le public le plus réservé est le public allemand,
en Autriche les gens étaient ultra-gentils, ils ont bien participé,
à Zurich également, mais la première fois où le
public s’est déchaîné c’était hier ;
en Belgique aussi c’était assez dingue, les concerts en Belgique
sont en fait les plus mémorables.

J’aurais
imaginé que le public allemand participerait plus…

Oswald :
Hier nous avons essayé de trouver une raison à cela, ici presque
personne ne comprenait les paroles, on voyait le tout, et les gens ne se sont
pas trop concentrés sur les textes, il suffit de voir l’ensemble.
Quand il faut analyser chaque phrase, chaque mot, c’est seulement là
que l’on comprend. C’est l’explication que je donnerais.

A
propos des danseuses, j’ai pensé que tu as besoin de toujours plus
de moyens pour t’exprimer : les textes, la musique, les gestes, les
expressions et maintenant des danseuses…

Oswald :
Je veux utiliser le potentiel du théâtre, et la danse fait partie
de cela. L’année prochaine il y aura également une actrice
en plus pour Kondition : macht.

Est-ce
qu’un cd est prévu ?

Oswald :
Oui, nous allons enregistrer le concert à Berlin…

Comment
présenteriez vous GOETHES ERBEN à quelqu’un qui n’a
encore jamais entendu parler de vous ?

Oswald :
GOETHES ERBEN est un théâtre musical germanophone entre la mélancolie
et la folie sur scène… Je pense que ça convient.

J’ai
souvent entendu parler du mouvement Todeskunst en Allemagne (l’art de
la mort), qu’est-ce que cela représente ?

Oswald :
C’est un mot qu’un journaliste quelconque a inventé pour
classer DAS ICH, LACRIMOSA, RELATIVES MENSCHSEIN et GOETHES ERBEN dans le même
« panier », mais je ne sais pas ce qu’on peut en
faire.

Vivez-vous
de votre musique ? Tu travailles toujours en tant qu’infirmier ?

Oswald :
Non, plus maintenant. Nous survivons de la musique plus ou moins bien… Quand
nous jouons en France nous sommes perdants car nous sommes trop peu payés
pour que ce soit rentable. C’est pour cela que je parlais hier de ça…
Tant que nos disques ne seront pas disponibles en France, nous ne jouerons plus
ici. Notre label fait toujours plus de pub pour nos disques, mais il n’y
a pas de distributeur…

Est-ce
que ça pourrait devenir dangereux pour toi si tu ne pouvais plus extérioriser
tes sentiments au travers de GOETHES ERBEN ?

Oswald :
Je ne peux pas le dire…, ça se pourrait car GOETHES ERBEN, ainsi que
les autres projets auxquels je travaille sont devenus une libération
de l’âme. Je pense qu’il est important de se confronter à
chaque problème.

GOETHES
ERBEN est-il pour vous vital ?

Oswald :
Non, c’était pour Mindy et moi la chose la plus importante il y
a longtemps ; mais maintenant on voit plus le côté artistique
de notre travail, c’est pour cela que nous avons tous les deux d’autres
projets pour pouvoir vivre, car avec GOETHES ERBEN seulement on ne peut pas
vivre.

Est-ce
que tu aimerais sortir un livre ?

Oswald :
Oui, c’est prévu depuis un bon moment.

Est-ce
que ce sera un livre avec les textes de GOETHES ERBEN ?

Oswald :
Tous les textes du groupe, avec des photos des différentes mises en scènes.

Ecris-tu
en dehors des textes pour GOETHES ERBEN ?

Oswald :
En fait, presque tout ce que j’écris est utilisé par le
groupe.

Que
voulez-vous atteindre avec GOETHES ERBEN ?

Oswald :
Donnez des ailes à l’imagination et faire naître des sentiments ;
donc du divertissement, mais en même temps un divertissement stimulant,
pas comme au cinéma où l’on a tout devant soi, mais comme
au théâtre où l’on a besoin d’un peu d’imagination.

Pensez-vous
que votre musique peut en quelque sorte aider les gens à se débarrasser
de leurs sentiments négatifs ?

Oswald :
Je l’espère, je n’en suis pas sûr, mais je pense ;
quand je lis le courrier du public, il se passe cette chose : les gens
se sentent compris et cela adoucit considérablement leur souffrance,
car on dit « souffrance partagée est une demi-souffrance »,
quand j’ai ressenti ou vécu quelque chose, et que je me sens compris,
alors on se sent tout de suite mieux.

Dirais-tu
que votre musique agit comme catharsis ? Vous décrivez souvent des
événements horribles dans vos morceaux. N’y a-t-il pas là
une sorte de provocation pour faire réagir les gens ?

Oswald :
La provocation ne doit jamais être considérée comme un moyen
d’arriver au but c’est-à-dire de déranger les gens,
mais plutôt comme une figure de style.

Comment
se fait-il que de tels sentiments ou événements reviennent toujours
dans vos morceaux, d’où vient cette fascination pour tout ce qui
est morbide ?

Oswald :
Cela vient de mon métier.

Les
différents thèmes sont presque toujours mis en relation avec la
mort ; pensez-vous que les sentiments doivent être douloureux pour
avoir une signification ?

Oswald :
Non, ils ne doivent pas être seulement douloureux, ils doivent être
extrêmes pour avoir de l’importance. Ce peut être des sentiments
positifs ou négatifs ; les sentiments extrêmes valent toujours
la peine d’être représentés. L’amour est un
sentiment extrême, le plaisir est un sentiment extrême, la haine
est un sentiment extrême… L’album « SCHACH…. »
n’est finalement constitué que de sentiments extrêmes (silence…).

Dans
notre société, la mort est mise de côté, on meurt
dans les hopitaux, la mort est purement et simplement exclue de la vie. Est-ce
qu’il serait exact de dire que vous voulez ramener la mort en pleine lumière ?

Oswald :
Dans la trilogie, oui. Nous voulions en fait les situations extrêmes auxquelles
l’homme peut être confronté dans sa vie : la mort dans
« DAS STERBEN IST ÄSTHETISCH BUNT », les rêves
et les cauchemars dans « DER TRAUM AN DIE ERINNERUNG »
et dans « TOTE AUGEN SEHEN LEBEN » l’âme qui
ne correspond pas vraiment aux normes. Nous voulions représenter ces
trois extrêmes de la vie verbalement pour dire aux gens : « il
n’y a pas seulement les petits oiseaux et les fleurs… »,
non, il y a aussi les côtés sombres de la vie, avec lesquels on
doit être coonfronté, car sinon un jour on trébuche… Je
trouve qu’il est important d’être confronté dans l’abstrait
avec cela, sans avoir à le vivre rééllement ; quand,
par exemple, un enfant ou un jeune enfant se pose des questions sur la mort,
la maladie, la souffrance, je pense que plus tard cela lui posera moins de problèmes
que s’il devait soudain y être confronté, si un de ses amis
mourrait, je pense que quand on accomplit ce travail en esprit, quand on réfléchit
à ce qui se passerait si ça nous arrivait, alors c’est un
peu plus facile.

Ca
serait donc en quelque sorte une préparation…

Oswald :
Une préparation à ce qui peut nous attendre dans la vie.

La
mort est-elle pour vous la délivrance ?

Oswald :
La mort est un passage de la vie, bien que je ne sache pas ce qui vient après,
est-ce que c’est un cercle, quelque chose de cyclique, ou bien un passage
dans une autre vie, je n’en sais rien, mais je considère la vie
comme une étape.

Que
penses-tu du suicide ?

Oswald :
C’est un sujet très délicat… Il y a un seul cas dans lequel
je l’accepte ; quand quelqu’un a une maladie incurable (et
qu’il ne peut plus supporter ses souffrances).

Oui,
mais dans le cas où l’on souffre parce que l’on est désespéré…

Oswald :
Non, je ne crois pas car on ne sait jamais ce qui va se passer dans la vie ;
il peut se développer quelque chose de positif à partir d’une
phase très sombre de la vie, plus on tombe bas, plus on peut remonter
haut, et je trouve que tout reste ouvert, l’avenir n’est pas quelque
chose de fermé, même si la vie à un moment précis
n’apporte que de la douleur, on peut très bien être marié
deux ans plus tard, avoir des enfants, il peut se passer n’importe quoi.
Dans le cas d’une maladie incurable où l’on sait que l’on
n’a plus que trois ou six mois à vivre et que ces derniers mois
sont sans vie, que l’on ne peut plus que rester au lit avec des machines
branchées, alors il vaut mieux en finir.

Ce
serait alors une forme d’euthanasie…

Oswald :
Oui, un euthanasie actif, c’est déjà une sorte de suicide…
Si j’apprenais maintenant que j’ai une maladie incurable, alors
je ferais en sorte de pouvoir me donner la mort au bon moment, quand je serais
toujours conscient.

Dans
votre musique, on ressent toujours la nostalgie des temps passés. A quelle
époque auriez-vous préféré vivre ?

Oswald :
Si l’on considère la mode, la musique…, je trouve les années
vingt très intéressantes, par exemple, il y a eu une explosion
incroyable, avec les voitures, la musique qui a pris soudain un autre rythme,
les vêtements des hommes et des femmes représentaient des personnages,
on montrait ce que l’on voulait représenter. Mais, il y a d’autres
choses dans les années vingt qui ne me plaisent pas trop, ne serait ce
que la seconde guerre mondiale qui se préparait.

Je
pense que chaque époque a quelque chose de positif, la notre aussi, on
doit simplement faire en sorte de les utiliser, on a des choses à notre
disposition et il faut essayer de les exploiter.

Et
au Moyen Age ?

Oswald :
Oui, pour les châteaux et tout ça ; mais il n’y avait
pas de sanitaires ni de douches (…rires), dans le bus non plus, il n’y
a pas de douche (…rires).

C’est
le Moyen Age…

Oswald :
Oui, c’est comme si on faisait du camping…

L’homme
est dépassé par le progrès technique ; on pourrait
dire qu’il n’a plus la possibilité d’agir mais que
ce sont les machines qui agissent pour lui. Peut-on dire que ce processus est
inversé avec GOETHES ERBEN, c’est-à-dire que l’homme
retrouve sa place ?

Oswald :
Non… C’est plutôt que dans GOETHES ERBEN, le narrateur, que ce
soit le rebelle ou celui qui est en quête de quelque chose est un personnage
de conte de fée… En fait, GOETHES ERBEN est comme un conte de fée…
Cela rejoint toujours l’action représentée… Dans « SCHACH… »
tu as une trilogie qui se recoupe autour du thème du no man’s land.
Dans Blau le rôle central est celui du rebelle qui réapparaîtra
dans Kondition : macht, et en fait on pourrait dire que le personnage
de « SCHACH… » qui est en quête de quelque chose
réapparaît toujours, tout comme le rebelle… Il y a toujours un
personnage qui est le reflet de l’être humain… C’est en
fait un miroir qui reflète le public à l’intérieur
de la narration… J’erre, j’avance dans la vie, je souffre pour
le public… Le but c’est en fait simplement de parcourir ce chemin, le
but final n’est pas le chemin lui-même, mais c’est le cheminement
qui est le but… Je ne peux pas dire jusqu’où GOETHES ERBEN ira,
où nous allons en venir, mais il y a toujours le mouvement et il se passe
des événements… L’histoire du rebelle ne sera pas terminée
avant longtemps…

Donc
le rebelle n’est pas toi ?

Oswald :
Le rebelle est le personnage que je représente. Il y a beaucoup de ma
personne dans ce personnage, mais ce n’est pas seulement une personnalité…
A propos de Seelenmord par exemple, je ne trouve pas que la haine soit
un sentiment particulièrement agréable, mais cela fait partie
de la vie.

La
nostalgie est-elle une source d’énergie pour toi ?

Oswald :
Oui, ça stimule, ça pousse à être actif et à
construire quelque chose. C’est important.

Dirais-tu
que la souffrance est la principale source d’inspiration artistique?

Oswald :
La souffrance ? …. Je pense qu’en fait, c’est essentiellement l’amour qui
en est la source car l’amour regroupe tout dans la vie, cela peut être
très douloureux quand on est amoureux de quelqu’un qui ne l’est pas,
mais l’on peut aussi être très heureux dans l’amour, ça
peut être très voluptueux sur le plan corporel si l’on s’adonne
à tous les plaisirs de l’amour, mais il arrive que ce soit mélancolique
si l’on pense à à des amours passées… Je pense que l’amour
représente tout dans la vie; aucun sentiment n’est aussi multiple.

Pourtant,
à l’écoute de votre musique, je trouve que c’est toujours la souffrance
qui en ressort…

Oswald :
Oui, mais la souffrance n’est qu’une facette; le point de départ est
en fait tout cet amour , qui, regroupe tout, c’est pourquoi l’album « SCHACH.. »
a en fait la vie pour thème; les différentes couleurs de l’arc-en-ciel
représentent la vie.

Comment
parvenez-vous à transposer des sentiments aussi extrêmes en paroles
et en musique ? ( car on a l’impression que vous savez exactement comment l’on
se sent quand on souffre autant psychiquement que physiquement).

Oswald :
Si l’on prend 5 jahre , j’ai travaillé quelque temps en psychiatrie
et c’est ainsi que je l’ai ressenti. J’ai vu comment les patients se comportaient.
Je dirais qu’on perd sa dignité d’homme, on abandonne une partie de sa
dignité humaine, on n’est plus considéré comme une personne
à part entière quand on est patient dans un hôpital psychiatrique.

Et
en ce qui concerne les autres morceaux, on a aussi le sentiment que vous connaissez
la douleur..

Oswald :
Qui n’a jamais connu un amour malheureux ! dans Ich liebe schmerzen (
J’aime les souffrances ), il ne s’agit pas des souffrances corporelles mais
de celles qui touchent l’âme, et qui peuvent être parfois agréables
quand on est mélancolique, qu’on se laisse emporter par sa propre tristesse.
Cela peut être très agréable car on voudrait se noyer dans
la compassion que l’on a pour soi-même. ( Mais on ne doit pas forcément
se noyer !)

Ainsi,
je ne parle que de ce que je peux vivre ou ressentir, même si je transpose
cela dans une langue qui n’est pas la langue ordinaire de tous les jours. Mais,
sur le plan émotionnel, j’essaie de faire passer les sentiments dans
le texte. Quand je parle de souffrances dans Ich liebe schmerzen, il
s’agit plutôt de la mélancolie que je ressens et dans laquelle
je me sens bien, ça ne signifie pas que chez moi je me fasse souffrir,
je suis quelqu’un de douillet…

Il
y a une phrase de Kafka qui dit: « Nous aussi devons ressentir toutes
les souffrances que nous voyons. Nous tous n’avons pas un corps, mais un prolongement
de corps, et cela nous fait endurer toutes les souffrances, sous quelque forme
que ce soit ». Cela est-il valable pour GOETHES ERBEN ?

Oswald :
C’est une belle phrase, mais… La trilogie est assez unilatérale,
il n’y est question que des côtés sombres, et avec le dernier
album, j’essaie de prendre les côtés positifs de la vie,
même si tout cela reste très caché, mais dans « SCHACH
IST NICHT DAS LEBEN », on a essayé de voir les choses de tout
les points de vue possibles, de ne pas se replier sur soi et malheureusement
cela est très répandu chez les gens qui nous écoute :
c’est indécent de rire. Hier les gens se sont bien amusés,
et cela n’arrive jamais en Allemagne, là-bas on n’a pas le
droit de le faire, il faut être sérieux.

Que
penses-tu de la scène gothique allemande en général ?

Oswald
: je ne vois pas ce que je dois en penser, puisque je fais moi-même
partie de cette scène ; je pense qu’il est nécessaire
de réfléchir à la tolérance, car ces gens exigent
que l’on soit tolérant avec eux, mais c’est le clan le moins
tolérant que je connaisse.

Peut-on
parler, à propos de vos textes, d’un paysage intérieur ?
Et dans ce cas, les thèmes récurrents reflètent une vision
du monde plutôt pessimiste…

Oswald :
Tous les textes de GOETHES ERBEN se déroulent dans un monde, dans des
paysages différents ; c’est un paysage intérieur qui
est représenté par les mots. Il y a des symboles et des métaphores
précis que l’on réutilise toujours afin que l’on sache,
tout comme sur une carte géographique, dans quelle région l’on
se trouve.

Par
rapport à cela, comment GOETHES ERBEN est-il au quotidien ? Etes-vous
toujours tristes ?

Oswald :
C’est sûrement ce que l’on peut penser de nous, mais… C’est
vrai que je ne suis jamais en paix avec moi-même et mon existence n’est
pas drôle, mais il y a aussi des moments où l’on peut s’amuser,
comme quand nous sommes en tournée, par exemple, le plaisir en fait partie,
sinon ça ne serait pas supportable. Quand on ressent des sentiments extrêmes,
on a besoin de s’en débarrasser.

A
propos de ERBLAST (littéralement : le fardeau de l’héritage)
à quoi se rapporte le mot « héritage » ?

Oswald :
à GOETHES ERBEN.

Je
croyais que l’histoire allemande pouvait jouer un rôle dans cet
héritage…

Oswald :
Non, pas du tout. Je ne considère pas l’histoire allemande comme
un fardeau mais comme quelque chose que l’on doit simplement accepter ;
ce que mes grands-parents ou leur génération ont fait, je n’y
peux rien. C’est très compliqué, il faudrait alors rendre
les américains responsables de l’extermination du peuple indien,
et de ce qui s’est passé dans les colonies… Je pense que chaque
peuple a ses côtés négatifs, en Allemagne ça a été
extrêmement brutal, et il ne faut pas que ça tombe dans l’oubli..
Blau traite justement des camps, il y a 50 ans, c’est à
dire de la fin de la seconde guerre mondiale. Je trouve que l’on doit
garder cela à l’esprit, mais il ne faut pas nous imputer cela car
la génération qui y a participé est quasiment morte. Il
faut pourtant le mentionner car il y a toujours des idiots qui poursuivent cet
idéal, et ça, je ne le comprends pas, mais ces gens ne se trouvent
pas seulement en Allemagne, l’extrême droite est beaucoup plus prononcée
en France avec le front national, ou bien aux Etats-Unis avec le klu klux klan
ou le mouvement du white power, c’est dangereux. Cela vaut pour tout mouvement
qui en opprime un autre de façon active. Je peux tout accepter, tant
que l’on ne détruit pas ce que je fais… Pour ma part, il pourrait
très bien y avoir une communauté qui parcourrait la ville en marchant
sur les mains, cela ne me dérangerait pas, ça serait bizarre[…],
mais cela ne me concerne pas, ils ne me font rien… Il y a aussi par exemple
les mormons qui ont des croyances assez bizarres, je ne m’identifie pas
à ces croyances, mais ces gens ne me font rien, les sectes ne me font
rien non plus… Je veux dire que je suis assez intelligent pour ne pas entrer
dans une secte, mais ce qui importe, c’est qu’il ne me font rien
donc ils peuvent faire ce qu’ils veulent. C’est pareil pour les
mouvements politiques, mais dès que cela dégénère,
alors je trouve que ces mouvements n’ont plus de raison d’être.
Je peux accepter toute forme de croyance, même si je trouve que certaines
sont étranges parce – qu’elles poussent à la résignation
face au destin, mais le fondamentalisme c’est la pire de toutes car l’on
ne peut pas propager une croyance par le feu et l’épée.

Peux-tu
dire ce que tu ferais si l’extrême droite revenait au pouvoir en
Allemagne ?

Oswald :
J’émigrerais immédiatement. Ce n’est même pas
la peine d’en parler car nous serions sûrement les premiers à
être envoyés dans les camps.

Avez-vous
déjà eu des problèmes avec des gens d’extrême-droite ?

Oswald :
oui, devant le concert « live in Planétarium »,
les vitres de sécurité du planétarium ont été
brisées par 50 extrémistes de droite, ils ont tous été
emmenés en prison.

Deux
années plus tôt, des gens d’extrême-droite nous ont
tiré dessus, on a toujours eu des désagréments avec eux
. C’est pour cela que nous avons fait le morceau  Die Brut.

Qu’elle
musique écoutez-vous ?

Oswald :
Tout ! […] J’écoute beaucoup de musique de films, FARINELLI
par exemple, c’est plutôt du classique. Je trouve cela fascinant.
J’écoute aussi des productions indépendantes actuelles,
RAMMSTEIN, je ne les aime pas tant que ça, mais d’un point de vue
musical je les trouve très intéressants, mais au niveau de la
langue allemande… Je ne sais pas ce que veulent dire les textes mais ce que
je trouve génial chez RAMMSTEIN, c’est que tout est calculé,
tout est parfaitement arrangé, et je trouve cela très positif.
D’autre part je les connais par leur succès car ils choquent toute
la presse ; celle-ci ne sait pas comment se comporter avec RAMMSTEIN car
ce sont en fait de mauvais garçons […] Je trouve cela très bien
qu’en ce que concerne la forme ils gardent leur style. Ils pourraient
certainement devenir les petits chéris de la presse s’ils étaient
plus accommodants, mais ils ne le sont pas ! Et ils ont un succès
fou en Allemagne ils sont numéro un avec leur dernier disque « SEHNSUCHT »

Que
penses-tu de groupes tels que DEATH IN JUNE ou LAIBACH qui sont assez ambigus ?

Oswald :
En ce qui concerne LAIBACH, j’ai lu de nombreuses interviews détaillées
et je sais qu’ils n’utilisent l’imagerie d’extrême
droite qu’en tant que provocation ou de moyen artistique. Ils ne suivent
pas ce mouvement mais l’utilisent comme forme de provocation, ce qui est
complètement différent, car la mentalité des S.A, les feux
de camp romantiques, les partisans de Röhm… Tout ça, c’est
du lyrisme. J’aime bien la musique de DEATH IN JUNE, LAIBACH aussi, mais
je n’aime pas tout d’eux.

Donc
ça ne te dérange pas qu’ils aient de telles idées,
tu les écoutes quand même ?

Oswald :
Je les écoute, car si je ne les écoutais pas, ils pourraient se
passer des choses bien plus grave. Tant que j’ai conscience de quelque
chose, si je me dis : la musique est OK, mais pas les textes, alors je
garde toujours le contrôle, et je me dis que s’ils allaient trop
loin, alors j’irai leur dire : « Eh, ça ne
va pas, vous n’avez pas le droit… » Mais, si on les ignore,
on n’a pas non plus le droit de les juger.

LAIBACH
disent clairement qu’ils font cela par provocation, et qu’il ne
faut pas avoir l’esprit étroit…

Serais-tu
prêt à partir en tournée avec DEATH IN JUNE, par exemple ?

Oswald :
Pour un concert, ça ne serait pas un problème.

Comment
en êtes-vous venus à travailler avec Gitane Demone et tant d’autres
personnes ?

Oswald :
On les a rencontré pendant les tournées, ou bien, pour Gitane
Demone, on a demandé à son label si elle ne serait pas intéressée
de travailler avec nous. C’est comme ça que ça se passe.
Rodney Orpheus, j’ai fait sa connaissance quand j’étais en
studio avec CATASTROPHE BALLET, et plus tard il a travaillé avec Mindy
pour STILL SILENT. Eric Burton est le chanteur de CATASTROPHE BALLET, j’ai
chanté en duo avec lui le titre Model utopia. Peter spilles fait
partie de PROJECT PITCHFORK, on a fait la connaissance de ces groupes ;
c’est la même ligue en Allemagne, c’est comme une équipe
de sport dont on fait partie…

J’ai
entendu un morceau auquel tu as participé et qui se trouvait sur une
compilation, c’était un morceau d’un certain Christian Dorge.

Oswald :
C’était un travail de mise en musique d’un texte littéraire
qu’on m’avait demandé de faire, je n’ai plus rien à
voir avec ça.

Avez-vous
des contacts avec d’autres groupes que ceux que l’on a déjà
cités ?

Oswald :
Moins… On a en fait relativement moins de contacts avec les autres groupes,
sauf avec ceux à qui on a affaire lors des concerts. Il n’y a pas
vraiment de collaboration étroite.

Et
avec DAS ICH ?

Oswald :
Non, pas du tout.

Tu
ne les aimes pas ?

Oswald :
Autrefois on était de bons amis, mais il y a eu une dispute et depuis
on ne se dit plus que bonjour, au revoir.

Comment
s’est passé votre travail avec FM EINHEIT ?

Oswald :
Je pense que ça nous a fait du bien qu’il y ait quelqu’un
qui soit au contrôle et qui dise : ça, c’est bien, on
le met en avant, et ça ce n’est pas si bien, on le met à
l’arrière-plan, comme un régisseur dans un film, ou un producteur
qui ne s’implique pas directement dans l’action mais qui regarde
où sont les forces pour les mettre en valeur, et où sont les faiblesses
pour les laisser à l’arrière-plan.

Aimes-tu
également EINSTURZENDE NEUBAUTEN ?

Oswald :
Oui, enfin autrefois. J’ai vu leurs derniers concerts sans F.M. ni Chung
et il y a trop d’arrangements, comme dans la musique pop. Ce n’est
plus ce groupe naze qui détruisait tout, mais c’est sûr qu’un
groupe qui existe depuis longtemps doit évoluer, on ne peut pas se répéter,
mais ce n’est pas le chemin que je prendrais…

Penses-tu
que vous aussi vous pourriez faire de la musique pop un jour ?

Oswald :
Si on prend le morceau Marchen-prinzen, c ‘est déjà
de la musique pop… de moins c’est ce que j’entends par musique
pop.

Connaissez-vous
des groupes français en dehors de CLAIR-OBSCUR ?

Oswald :
Je connais aussi INDOCHINE, je les écoutais quand j’étais
plus jeune, ils ont une très mauvaise réputation, non ?

Oui,
enfin c’est un groupe pour adolescents.

Oswald :
Oui, mais c’est le groupe français que l’on entendait à
l’étranger. Une de mes chansons préférées,
c’était l’aventurier, je n’aimais pas trop les
autres.

Moi,
je les trouve vraiment bêtes… A cause des textes…

Oswald :
Oui, mais je ne comprends pas les textes, c’est sûrement la même
chose pour les français qui écoutent RAMMSTEIN… Parce que ça
sonne bien, mais des paroles comme : « tu m’as, tu m’as,
tu m’as aimé », non, vraiment je suis désolé…
Ca sonne bien, et pour les étrangers c’est bien. C’est pour
ça aussi que ça ne me pose pas de problèmes d’écouter
RAMMSTEIN, parce que la musique est bien arrangée. Pour INDOCHINE, c’est
pareil, c’était l’époque où il y avait la new-wave
en Allemagne, et il y avait beaucoup de groupes horribles, mais aussi de
bons groupes.

Sinon
je connais aussi CORPUS DELICTI, mais c’est à peu près tout,
car la scène française est relativement peu connue en Allemagne.


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